BIM • Marchés publics • Europe
La République Tchèque rend le BIM obligatoire en 2027 :
pourquoi la France n’a-t-elle toujours pas franchi le pas ?
Alors que la République Tchèque impose le BIM pour les grands projets de construction publique à partir de 2027, la France continue d’encourager sans rendre obligatoire cette méthodologie pourtant au cœur de la transition numérique du bâtiment et de l’industrie. Que révèle cet écart de stratégie ? Quels risques pour la compétitivité française ?
Un contraste européen qui interroge
L’annonce de l’obligation du BIM pour les grands marchés publics en République Tchèque à partir de 2027 s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée au Royaume-Uni, dans les pays nordiques ou encore aux Pays-Bas. La stratégie est claire : fiabiliser les données, réduire les erreurs projet, optimiser les budgets publics et constituer un patrimoine numérique exploitable sur le long terme.
En France, malgré des initiatives ambitieuses (PTNB, Plan BIM 2022, démarches ministérielles, expérimentations territoriales), le BIM reste encouragé plutôt qu’imposé. D’où une série de questions : la France manque-t-elle d’un cadre stratégique national ? Le tissu de TPE/PME freine-t-il la décision ? Combien coûte réellement le fait de ne pas rendre le BIM obligatoire ?
1. Pourquoi la République Tchèque impose-t-elle le BIM dès 2027 ?
Derrière cette décision, on retrouve des motivations désormais bien documentées dans les pays pionniers en BIM : standardisation, maîtrise des coûts, transparence des données et gestion optimisée du patrimoine public.
1.1. Standardiser les pratiques et les données
En imposant le BIM et les standards associés (modèles numériques structurés, formats interopérables, processus alignés sur la série de normes ISO 19650, etc.), la République Tchèque cherche à limiter la fragmentation des pratiques. Chaque grand projet public doit s’appuyer sur un environnement de données commun, des exigences BIM claires et des livrables numériques homogènes.
1.2. Réduire le coût des erreurs et des reprises
Les coûts liés aux erreurs de conception, aux incohérences de plans ou aux défauts de coordination peuvent représenter une part importante des budgets de construction. Le BIM permet de détecter en amont les conflits (clash detection), d’anticiper les interfaces entre corps d’état et de réduire les reprises sur chantier, donc les surcoûts financiers et les dérives de planning.
1.3. Construire un patrimoine numérique sur le cycle de vie
Le BIM n’est pas limité à la phase de conception. Il permet de constituer un jumeau numérique du bâtiment ou de l’infrastructure qui pourra ensuite être utilisé en exploitation et en maintenance. L’État tchèque investit ainsi dans la continuité de l’information : de la programmation jusqu’à la fin de vie de l’ouvrage.
1.4. Moderniser l’ensemble de la filière
Enfin, l’obligation BIM agit comme un catalyseur. Elle incite maîtres d’ouvrage, concepteurs, entreprises et exploitants à investir dans la formation, les outils et les process numériques. Le BIM est perçu non pas comme une contrainte, mais comme une opportunité de montée en gamme et de compétitivité.
2. Pourquoi la France n’a-t-elle toujours pas imposé le BIM ?
La France a pourtant joué un rôle moteur dans la promotion du BIM, mais sans franchir le cap d’une obligation généralisée sur les marchés publics. Plusieurs facteurs explicatifs se croisent.
2.1. Un cadre stratégique morcelé
Entre les différents plans nationaux, les actions pilotées par les ministères, les expérimentations des grandes métropoles et les initiatives régionales, la dynamique BIM française existe mais reste fragmentée. Faute de texte réglementaire fort imposant le BIM à partir d’un certain seuil de montant ou de surface, le recours au BIM demeure largement dépendant de la volonté des maîtres d’ouvrage.
2.2. Une maturité hétérogène des maîtres d’ouvrage publics
Les grandes métropoles, certains ministères, bailleurs et grands donneurs d’ordre industriels sont aujourd’hui matures sur le BIM. À l’inverse, de nombreuses collectivités de taille modeste n’ont ni AMO BIM interne, ni ressources pour piloter des contrats incluant des CDE, BEP ou DOE BIM. Imposer le BIM sans accompagnement pourrait creuser les écarts de capacité entre territoires.
2.3. Un tissu économique dominé par les TPE et PME
La plupart des entreprises du BTP en France sont de petite taille. Pour elles, passer au BIM implique des investissements en logiciels, en matériels (stations de travail, scanners 3D, etc.) et en formation. L’hypothèse souvent avancée est que l’État hésite à imposer brutalement le BIM de peur de fragiliser ces acteurs déjà soumis à des contraintes fortes.
2.4. Des standards encore insuffisamment harmonisés
L’usage des formats d’échange ouverts (IFC), des normes de gestion de l’information et des conventions BIM varie fortement d’un projet à l’autre. Sans référentiel national unique, les maîtres d’ouvrage et leurs partenaires peinent à capitaliser sur des méthodes reproductibles. À l’inverse, les pays qui ont imposé le BIM ont souvent couplé l’obligation à un référentiel technique impératif.
2.5. Une résistance culturelle au changement
Enfin, le secteur de la construction en France reste très attaché aux plans 2D, aux habitudes de travail historiques et aux outils bureautiques classiques. Le passage à un environnement de données partagé et à des maquettes numériques coordonnées bouscule les pratiques. Cette transition culturelle prend du temps, parfois plus que la transition technologique elle-même.
3. Pourtant, la France a tous les atouts pour réussir le BIM obligatoire
Le paradoxe est que la France dispose d’un écosystème extrêmement solide pour faire du BIM obligatoire une réussite, tant sur le plan technique qu’organisationnel.
- ✅ Bureaux d’études et ingénieries en pointe : spécialistes du BIM et du Scan 3D capables de livrer des maquettes LOD 100 à 500, de structurer la donnée et de sécuriser les process.
- ✅ Grands donneurs d’ordre déjà avancés : infrastructures, énergie, transport, industrie lourde, santé, etc.
- ✅ Retours d’expérience sur des projets majeurs : grands équipements, gares, opérations de rénovation lourde, sites industriels sensibles.
- ✅ Écosystème de solutions numériques : plateformes collaboratives, visionneuses de jumeaux numériques, CDE, infrastructures cloud souveraines et outils d’analyse des données.
4. Quelles seraient les conséquences d’une obligation BIM en France ?
4.1. Une gestion plus maîtrisée du patrimoine public
Les bâtiments et infrastructures publics représentent des millions de mètres carrés et des actifs stratégiques. Un patrimoine numérique fiable faciliterait la programmation des travaux, le suivi des interventions, la performance énergétique et l’adaptation aux nouveaux usages (sobriété, flexibilité, résilience).
4.2. Une baisse des erreurs, des délais et des surcoûts
Avec un BIM bien déployé, les conflits entre réseaux, structures, architectures et équipements techniques sont détectés en amont. Les arbitrages se font avant le chantier, et non plus au pied de l’ouvrage. Résultat : moins de litiges, de reprises, de pénalités et de délais supplémentaires.
4.3. Une transparence accrue sur les coûts et la performance
Le BIM permet de lier quantitatifs, coûts, variantes techniques et scénarios d’exploitation. L’État et les maîtres d’ouvrage publics bénéficient d’une meilleure visibilité sur l’impact financier des choix de conception et des évolutions programmatiques à long terme.
4.4. Une filière plus compétitive à l’international
Dans un contexte où les appels d’offres internationaux intègrent de plus en plus des exigences BIM, disposer d’une filière française structurée, formée et habituée à l’obligation BIM renforcerait la position des entreprises nationales à l’export et sur les projets multi-pays.
5. Et si la France attendait trop longtemps ?
Reporter la décision d’imposer le BIM sur les grands marchés publics comporte plusieurs risques :
- • Retard technologique face aux autres pays européens qui auront structuré leur filière plus tôt.
- • Coûts publics croissants liés aux erreurs, reprises et défauts de coordination.
- • Fragmentation accrue des pratiques, rendant difficile toute mutualisation ou capitalisation.
- • Perte de compétitivité des entreprises françaises sur les marchés où le BIM est déjà un prérequis contractuel.
La République Tchèque fait ici le choix de la clarté et de la projection à long terme. La question pour la France n’est plus de savoir si le BIM doit devenir la norme, mais à quelle échéance et selon quel cadre.
Conclusion : combien coûtera le fait de ne pas imposer le BIM ?
L’obligation du BIM pour les grands projets publics n’est plus une question purement technique. C’est un choix de politique industrielle, de maîtrise budgétaire et de souveraineté sur les données du patrimoine bâti. À mesure que certains pays européens généralisent le recours au BIM, la France doit arbitrer entre une approche fondée sur l’incitation et un cadre réglementaire robuste.
La vraie question n’est peut-être pas : « Pourquoi la France n’impose pas encore le BIM ? » mais plutôt : « Combien va lui coûter le fait de ne pas l’imposer à temps ? ».
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